Jacky Evrard et le festival CÔTÉ COURT viennent de consacrer une carte blanche au réalisateur François Zabaleta le lundi 4 décembre 2017au Ciné 104. 104. Au cours cette projection (suivie d’un débat) ont été projetés deux films : LA NUIT APPARTIENT AUX ENFANTS et LE MUSEE DES AU REVOIR avec Béatrice Champanier (présente à la projection). Une belle occasion de replonger (ou de découvrir) l'oeuvre très personnelle de ce réalisateur talentueux.
En voici un bref aperçu filmé en "tourné/monté" avec mon Iphone :
voici l'intégralité du texte lu par François Zabaleta.
Un texte manifeste aux fortes résonances actuellement :
le cinéma aujourd’hui de gré ou de force tend à devenir un produit
une marchandise parmi d’autres
globalisée
mondialisée
paramétrée
code-barrée
nivelée
standardisée
labellisée
codifiée
conformisée
abâtardie
dévitalisée
une denrée fade
impersonnelle
corsetée
inoffensive
évidée de sa substance de sa charge de subversion
vandalisée par le terrorisme du court terme de l’immédiateté
le cinéma ou ce qu’il en reste est devenue la grande surface de l’émotion low cost
le cinéma est un art jeune et pourtant déjà il y a des normes
des balises
des repères
des choses qu’on fait et d’autres pas
des choses qu’il ne faut surtout pas faire
des choses qui ne se font pas
il y a des bourses
des écoles
des stages
des villas étrangères
des résidences
sorte de couvents étatisées
habilitées à faire de vous des artistes professionnels
rentrer en art comme on rentre dans une panoplie de matin de vingt-cinq décembre
désormais écrire un scénario
des dialogues
construire une histoire
développer une trame narrative
articuler des péripéties
nourrir la psychologie de ses personnages
édifier un édifice à produire du divertissement prédigéré
désormais oui ça s’apprend
ça s’enseigne
ça se transmet de maître à élève
toute singularité
inventivité
marginalité
désormais est disqualifiée
ostracisé au profit d’un toute puissante orthodoxie du savoir-faire
du savoir-créer
véritable machine à récupérer
abattoir à individualité
à broyer toute velléité de chemin de traverse
à tuer dans l’œuf toute pulsion d’école buissonnière
creuser son sillon hors du dogme désormais est devenu hors la loi
il n’y aurait donc qu’une seule et unique façon de faire du cinéma
on fait du cinéma comme les touristes font l’Inde, le Japon ou le Brésil
un parcours sans heurt
sans chaos
sans surprise bonne ou mauvaise
un parcours où seul change la toile de fond
où le dépaysement consiste juste en une variation géographique harmonieuse
à peine sensible
indolore
rassurante
sans perte de repère
un simple changement de décor
le cinéma n’est plus qu’un prétexte à occuper des écrans de multiplexes, à remplir des cases horaires de divertissement
les films comme autant de prétextes à la vente de produits dérivés
les films eux-mêmes désormais ne sont plus que des produits dérivés
le cinéma aussi c’est une machine à fabriquer de l’oubli, à commercialiser de l’amnésie
les films ne sont plus regardés
écoutés
dégustés
digérés
désirés
ils sont juste consommés
aussitôt vus
aussitôt oubliés
un film chasse l’autre
le cinéma ce serait donc ça
des films non pas tournés mais juste fabriqués
les décideurs réfutent l’improvisation comme un élément fondamental de toute création
autant dire que la liberté désormais n’a pas plus droit de cité dans l’univers mécanisé de ce qu’on appelait autrefois le cinéma
les films aujourd’hui témoigne d’un art mort
produire
faire des films
c’est porter le deuil d’un art moribond...
... à méditer !
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